Les Kenyans l'appellent la ville poussière… Dadaab est postée à seulement quelques kilomètres de la frontière avec la troublée Somalie voisine, dans la zone aride du nord du Kenya. Et elle s'est transformée en vingt ans en camp de réfugiés géant. Plus de 350.000 personnes y vivent au sein de trois structures gérées par le Haut Commissariat pour les réfugiés de l'ONU, le HCR.
Lorsque la ville de Dadaab a commencé à recueillir les Somaliens fuyant les combats qui ont suivi la chute de leur dernier véritable dirigeant, Siyad Barre, personne ne prévoyait que la Somalie ne connaîtrait plus la paix.
Abari Osman vit depuis vingt ans à Ifo, l'un des camps de Dadaab, devenu le plus grand ensemble de camps de réfugiés du monde. «Je n'ai jamais pensé que je resterai ici si longtemps , nous raconte-t-il lors de notre visite du camp où il est désormais traducteur pour le HCR. Je suis arrivé à 8 ans, je ne pensais pas faire toute mon école primaire dans un camp de réfugiés puis toutes mes études secondaires…»
Des villes de toile surpeuplées
Abari a poursuivi ses études par correspondance et a pu se rendre occasionnellement à Nairobi, pour des examens, mais il n'a jamais été autorisé par le Kenya à vivre ailleurs que dans le camp. Il reste enfermé dans ce lieu, qui, en nombre d'habitants, peut être considéré comme la quatrième ville du Kenya. À présent, la ville est engorgée de nouveaux arrivants, alors que l'Afrique de l'Est connaît sa pire sécheresse depuis soixante ans.
Dadaab est constituée de trois camps, Ifo, Dagahaley et Hagadera, et d'un quatrième en construction, Ifo 2. Chaque entité est conçue pour recevoir autour de 30.000 réfugiés, 40.000 au maximum. Mais, elles en accueillent trois fois plus. La situation s'est rapidement détériorée depuis le début de l'année. «Un des principaux problèmes est la congestion des camps, et nous cherchons à lutter contre la surpopulation , explique Richard Floyer, directeur de programme au
Haut Commissariat pour les réfugiés de l'ONU . Nous avons demandé au gouvernement kényan de nouveaux espaces. Car nous pensons que nous avons atteint un stade ou le nombre de réfugiés dans cette région du Kenya a atteint un niveau insoutenable.»
Muslima Hassan est mère de quatre enfants, elle a fui la guerre à Mogadiscio, il y a quelques mois. Arrivée au Kenya fin janvier, dans le plus grand camp de réfugiés du monde, elle n'a pas trouvé le refuge espéré…«J'ai fui la Somalie du fait de la guerre, raconte-t-elle, essuyant les larmes qui coulent sur les joues de son nourrisson. Je suis venue avec mon mari et mon bébé et puis mes autres enfants ont pu nous rejoindre. Mais quand nous sommes partis, nous pensions que nous vivrions dans de meilleures conditions…»
Comme elle, des milliers de Somaliens ont fui la terrible sécheresse qui frappe depuis décembre la Somalie, à laquelle s'ajoutent les combats qui se sont intensifiés à Mogadiscio depuis janvier. Or ils vivent à présent sous des tentes en plastique installées aux abords du camp, loin des structures sanitaires et des écoles. Cette situation semble d'autant plus insoutenable que le nouveau camp, baptisé Ifo 2, est prêt depuis plusieurs mois à accueillir les nouveaux arrivants. Mis en place depuis août 2010, il aurait dû commencer à accueillir des réfugiés en novembre dernier mais le gouvernement kényan n'a autorisé son ouverture que le 14 juillet.
Terribles conditions
Selon le département kényan des Affaires liées aux réfugiés, le DRA, le Kenya s'inquiétait des conditions de sécurité et de respect de l'environnement… Haron Komen, le directeur des camps de Dadaab pour le DRA, justifie le report de l'ouverture d'Ifo 2 par un conflit avec les communautés locales…
Mais, pendant ce temps, des milliers de réfugiés somaliens arrivés depuis janvier ont vécu dans de terribles conditions. Seules des tentes de fortune aux abords du camp de Dagahaley étaient disponibles ces derniers mois pour ces familles démunies. L'ouverture du camp d'Ifo 2 ne pourra qu'être une bénédiction pour ces réfugiés de la sécheresse. Mais pour combien d'entre eux?